Gauche et droite en campagne s'opposent sur l'opportunité de soumettre toute grève prolongée à un vote à bulletins secrets, avec en filigrane un débat juridique sur les limites possibles à l'exercice du droit de grève garanti par la constitution.
Lancée dès le mois d'août par Nicolas Sarkozy devant les patrons du Medef, l'idée d'une loi qui "impose le vote à bulletins secrets dans les 8 jours du déclenchement d'une grève dans une entreprise, une université, une administration", a été relancée par le ministre de l'Intérieur-candidat de l'UMP dans son discours d'intronisation du 14 janvier.
Lundi, son porte-parole Xavier Bertrand a précisé que de "nouvelles règles" en la matière pourraient s'appliquer "dans les entreprises en charge d'un service public". Une grève pourrait alors se poursuivre uniquement "si une majorité y est favorable".
Suggérant le même type de réforme, le candidat MPF Philippe de Villiers estime que "les grèves dans les entreprises ou les administrations doivent être décidées par un vote à bulletins secrets", a indiqué son porte-parole à l'AFP.
Le Front National de Jean-Marie Le Pen, premier parti ouvrier lors de l'élection de 2002, est plus prudent, expliquant à l'AFP que ce n'est pas son "rôle de définir quand est-ce qu'on lance une grève".
A gauche, la proposition Sarkozy est vigoureusement dénoncée comme "une remise en cause du principe du droit de grève", par Julien Dray, porte-parole de la candidate socialiste Ségolène Royal.
"C'est inacceptable parce que le droit de grève fait partie des principes de notre Constitution" et qu'il est un instrument des syndicats de salariés "pour se défendre", a-t-il ajouté.
Nicolas Sarkozy veut "imiter Margaret Thatcher", Premier ministre britannique des années 80 qui avait brisé le pouvoir syndical, ajoute l'inspecteur du travail Gérard Filoche, militant socialiste.
La candidate communiste Marie-George Buffet souligne pour sa part que la grève est "le moyen qu'ont les salariés pour se faire entendre lorsque toute négociation sociale a échoué, et Dieu sait que la négociation sociale est difficile dans ce pays!".
A l'extrême gauche, Arlette Laguiller (Lutte Ouvrière) estime que M. Sarkozy montre "qu'il n'aime les travailleurs qu'à condition qu'ils ne fassent pas grève, et qu'ils se laissent exploiter sans réagir".
L'opposition est forte également côté syndical. "Le droit de la majorité s'imposerait, alors qu'une minorité de salariés a le droit aujourd'hui de ne pas faire grève", relève Bernard Thibault (CGT).
"Il n'a pas dû y avoir beaucoup de grèves de plus de huit jours en plusieurs années, pas de quoi faire une loi", renchérit François Chérèque (CFDT) qui tient à la grève comme "dernier recours". Son homologue FO Jean-Claude Mailly dénonce pour sa part l'agitation de "chiffons rouges" inutiles.
Juridiquement, le préambule de la Constitution de 1946 stipule que "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent". Selon le professeur de droit public Guy Carcassonne, le législateur "peut donc en soumettre l'exercice à des conditions, mais sous réserve que celles-ci n'aboutissent pas à le priver de toute substance".
Des limites à l'exercice du droit de grève sont déjà posées, notamment dans le secteur public. Dans la fonction publique d'Etat, un préavis doit être déposé au moins cinq jours avant le mouvement et la grève est interdite aux militaires, policiers, personnels des prisons et magistrats.
Selon la jurisprudence, une grève est légale, même si elle n'est observée que par une minorité de salariés. Dans la pratique, les reconductions de grèves longues sont généralement décidées à l'issue de votes, lors d'assemblées générales.
PARIS (AFP)
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