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Marie-Françoise Durupt, 60 ans, avait été débarquée du Paris-Bamako du 28 avril dernier et inculpée d’incitation à la rébellion alors qu’elle avait protesté, parmi beaucoup d’autres passagers, contre les violences infligées par des policiers à l’encontre d’expulsés maliens : des policiers avaient ceinturé avec violence les sans papiers et utilisé des coussins pour les empêcher de crier !
A l’audience Maître Herrero avait demandé à la justice de se prononcer sur la liberté d’expression. Elle avait rappelé que le devoir de résistance à l’oppression est inscrit dans la constitution et demandé aux juges de prendre une décision d’une haute portée symbolique en reconnaissant aux citoyens le droit de parler et d’exprimer pacifiquement leur désaccord en démocratie.
Sans suivre explicitement la défense sur ce terrain, le Tribunal a prononcé ce matin une décision de relaxe, estimant en substance que les propos reprochés «ont bien participé à l’échec de la mesure d’expulsion», mais qu’ils étaient d’abord «l’expression d’une vive émotion et d’une grande réprobation» et n’avaient pas pour but «d’appeler les passagers à s’opposer de façon violente». L’autre passager a lui aussi été relaxé.
Cette décision est d’abord un soulagement pour cette femme courageuse, qui n’est ni une personnalité, ni une militante, mais une citoyenne comme beaucoup d’autres, et qui a pris des risques personnels et professionnels en exprimant ainsi son indignation devant les méthodes utilisées pour réduire au silence les malheureux expulsés.
Cette décision est ensuite une victoire pour la démocratie : elle encouragera les citoyens à la vigilance active vis-à-vis des forces de l’ordre, dès lors que celles-ci s’écartent de leur mission et des règles déontologiques, et vis-à-vis des pratiques administratives, dès lors qu’elles piétinent des droits reconnus par la loi et par les conventions internationales, qu’il s’agisse du droit d’asile ou du droit de vivre en famille. Elle est un signal pour ces policiers qui, de plus en plus nombreux, s’interrogent sur le sale travail qu’on leur fait faire.
Cette décision est surtout un nouveau revers pour un pouvoir politique qui veut faire de toute expression de la solidarité un délit, cherchant en vain à endiguer le mouvement de soutien spontané qui s’exprime, dans les écoles ou dans les quartiers, autour des étrangers qui sont menacés d’expulsion.
En fixant des quotas pour faire du chiffre en matière de reconduite à la frontière, sans souci des situations humaines, en multipliant les rafles et les interpellations, en plaçant en centre de rétention, ces prisons pour innocents, des pères ou des mères arrachés à leur familles, quelquefois des familles entières avec leurs enfants ou des femmes enceintes, en renvoyant dans leur pays d’origine des réfugiés dont la liberté et la vie sont menacées, le ministre de l’Immigration obtiendra au moins un résultat : multiplier les réactions citoyennes et encourager la solidarité.
Le Réseau Education Sans Frontières continuera à s’y employer ! Il sera dans les semaines qui viennent aux côtés de tous ceux qui ont été poursuivis pour leur action solidaire, qu’il s’agisse de Florimond Guimard à Marseille, de Khadîdja à Bobigny, de François Auguste à Lyon, ou encore, au delà de nos frontières, de ces 7 marins emprisonnés à Agrigente pour avoir sauvé d'une mort certaine 44 migrants perdus en Méditerranée…
1 commentaire:
Une vraie bonne nouvelle ! Il reste une justice dans notre pays...
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