Une nouvelle initiative sociale novatrice en Amérique Latine
A contre-courant de la plupart des pays, la Bolivie du socialiste Evo Morales s'apprête à abaisser l'âge de la retraite à 58 ans. La réforme intervient après deux ans de négociations entre les syndicats et Morales, lui-même ancien dirigeant syndical. "Nous espérons que ce sera un cadeau de Noël", a lancé Morales, pressant le Parlement d'adopter la loi avant fin décembre.
Le projet de loi déposé devant le Congrès le 16 novembre prévoit aussi la nationalisation des retraites, et la fermeture de caisses privées (l'espagnol BBVA et le suisse Zurich) qui géraient la retraite de 1,3 million de Boliviens. Le système, fondé sur la solidarité, verra l'apport patronal augmenter de 3 %, celui des employés de 0,5 %, avec une contribution spéciale, "l'apport solidaire", des Boliviens gagnant plus de 13 000 bolivianos (1 320 euros). Soit dix-neuf fois le salaire minimum mensuel, d'environ 70 euros. Pour des travailleurs exposés, comme les mineurs, elle pourrait intervenir dès 51 ans, ou à 55 ans dans le cas d'une mère de trois enfants.
Au pouvoir depuis 2006, Evo Morales suit un axe résolu de capitalisme d'Etat, redistributeur, en direction des couches longtemps défavorisées (paysans, Indiens, pauvres et classes moyennes), d'où il est lui-même issu, en s'appuyant sur les revenus des hydrocarbures (gaz) et des réserves de change records. "C'est la nouvelle politique pour redistribuer aux travailleurs, en vue d'une baisse de la pauvreté et d'une plus grande égalité", a plaidé Morales en présentant la réforme.
La réforme effraie les milieux d'affaires, qui rappellent qu'elle est à contre-courant du recul global de l'âge de la retraite, suivant l'augmentation de l'espérance de vie, argument-force (ou alibi ?) martelé systématiquement par la « pensée unique" du capitalisme libéral financier.
Dès la première année, 100 000 nouveaux bénéficiaires devraient intégrer le système de retraite. Il s'étendra à des indépendants et "pourrait couvrir potentiellement 3 millions de personnes (pour 10 millions de Boliviens)", note l'économiste libéral Alfredo Bonadona , pour qui "financièrement ce n'est pas viable".
L'État, lui, soutient, au contraire, que le système est garanti sur "au moins trente-cinq ans". Et les défenseurs du projet soulignent qu'une retraite à 65 ans ne signifie rien en Bolivie, où l'espérance de vie est de 66 ans et où la population pauvre atteint 60 %.
Evo Morales vient d'être triomphalement réélu en décembre. Il ne s'agit donc pas de promesses électorales, mais de la mise en place d'un système qui tourne le dos aux sirènes des pseudos règles économiques édictées par les bénéficiaires du système libéral dominateur.
A suivre ...
Source : Le Monde.fr
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